Lady Sapiens, à la recherche des femmes de la Préhistoire 49
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Je conseille fortement d'aller voir le documentaire Lady Sapiens, à la recherche des femmes de la Préhistoire
Et on me souffle à l'oreille que le livre qui y est adossé est super également et se lit très facilement !!!
Lady sapiens de Jennifer Kerner, Thomas Cirotteau, Eric Pincas.
Et si jamais un retour critique par des spécialistes de la question vous intéresse pour compléter le point de vue, ça se passe ici : https://www.lemonde.fr/blog/huet/2021/10/11/lady-sapiens-stereotype-feminin-prehistorique-conteste/
Selon moi, c'est à lire absolument (c'est parfaitement compréhensible par tout le monde, je vous rassure), je ne vous cache pas que nous autres préhistoriens avons pas mal sourcillé et levé les yeux au ciel au long du déroulé du documentaire.
Cette critique souligne bien les (énormes) biais de ce doc Lady Sapiens et m'évite d'avoir à m'apesantir sur le sujet (comme dans le thread sur le genre plus bas) même si je ne suis pas sur qu'encore une fois cela suffise pour échapper au principe de Brandolini.
merci pour la référence !
par contre c'est quoi le principe de Brandolini ?
- RadBlue
Je pense qu'il parle de ça qui dit en gros que l'énergie à fournir pour réfuter certaines idées fausses/biaisées et plus grande que celle qui a été fournis pour diffuser ces idées.
Du coup, je pense que Lotin n'est pas sûr que cet article seul suffira à prévenir que certaines choses dites dans ce livre/documentaire ne sont pas aussi scientifiques/"vraies" qu'ils le disent et qu'il faudra peut-être intervenir encore plus ou en plus profondément (et donc dépenser plus d'énergie) pour mettre en garde les gens.
- Lotin
- et
- Helios
Tu parles du documentaire ou de la tribune collective qui y répond ? Je viens de lire la tribune, et elle est plutôt posée et nuancée.
- NooB294044
Du documentaire.
En même temps les auteurs du livre et du documentaire pourront eux aussi arguer de ce principe de Brandolini et faire remarquer que leur travail vise à faire évoluer les mentalités et le présupposés sur la question.
Jusqu'à récemment une tombe contenant une arme était attestée comme contenant un corps d'homme et on n'en concervait souvent que les crânes et les objets "de valeur"...
Toutes les conclusions et les études se sont appuyées sur ces présupposés durant deux siècles ce qui forme un socle assez inamovible.
Jusqu'à ce qu'on se rende compte que certaines dépouilles appartenaient bien à des femmes. (Notamment pour des époques plus tardives à des femmes ayant mariée l'épée.)
Même si on peut sans doute remettre en question certains éléments de ce livre et de ce documentaire, (ce que la tribune s'emploie à faire avec acharnement), il me semble qu'ils apportent tout de même un contrepoint bienvenu dans cette discipline où toutes les interprétation précédentes ont été faites par des hommes n'imaginait pas qu'une femme puisse manier la truelle ou faire des études sérieuses.
Brandolini est à double tranchant.
- Lotin
Hum donc on peut avancer des certitudes qui n'en sont pas pour effacer les approximation du passé ? Remplacer un biais par un biais ?
Cela me semble aller à l'inverse du raisonnement scientifique. Le modèle ancien était faux ? On reprend les nouvelles preuves qui l'invalide, on modifie ses protocoles expérimentaux pour comprendre pourquoi on les avait mis de coté et on construit un nouveau modèle (une théorie mais ce terme est à double tranchant en français) qui inclut les connaissances actuelles. Jamais on se clot dans une certitude et surtout pas en ignorant les preuves qui contredise son modèle.
Je m'étonnes toujours de la faculté des archéologues et autres spécialistes de la préhistoire à faire des généralités à partir d'une seule preuve archéologique, ou d'une poignée. Occultant de fait la complexité et la richesse humaine, aujourd'hui comme hier.
Une femme préhistorique a été retrouvée enterrée avec un arc ? "Les femmes préhistoriques chassaient comme les hommes."
Une peinture murale montre deux visages avec la tête collée ? "Les hommes et les femmes de la préhistoire faisaient preuve de tendresse".
Vous vous imaginez si les futurs archéologues du millénaire prochain procédaient de la même façon ? Ils découvrent le squelette d'un mec mort dans un rituel sataniste, "les hommes du XXIe siècle pratiquaient une religion proche des vieilles religions païennes et pratiquaient le sacrifice humain rituel".
J'aime à penser que l'homme préhistorique, tout comme l'homme moderne, brillait par sa richesse culturelle et sa diversité ethnique et civilisationnelle (oui, j'ose le mot même quand il s'agit de préhistoire). Il n'y a pas un homme préhistorique mais des hommes préhistoriques, avec des moeurs, des valeurs probablement radicalement différentes entre les communautés.
Donc oui, il est fort probable que la femme ait eu un rôle très important voire central dans certaines cultures préhistoriques. Du moment qu'on en fait pas une généralité...
- Plateo
Toutes les conclusions et les études se sont appuyées sur ces présupposés durant deux siècles ce qui forme un socle assez inamovible.Jusqu'à ce qu'on se rende compte que certaines dépouilles appartenaient bien à des femmes. (Notamment pour des époques plus tardives à des femmes ayant mariée l'épée.)
Même si on peut sans doute remettre en question certains éléments de ce livre et de ce documentaire, (ce que la tribune s'emploie à faire avec acharnement), il me semble qu'ils apportent tout de même un contrepoint bienvenu dans cette discipline où toutes les interprétation précédentes ont été faites par des hommes n'imaginait pas qu'une femme puisse manier la truelle ou faire des études sérieuses.
Je ne peux que te conseiller de lire ou de relire la tribune de manière dépassionnée. Elle est bien plus nuancée que ce que tu sembles en avoir retenu, et elle émet des critiques portant sur des points très précis de l'argumentation du documentaire. Il n'y a pas de quoi parler d'un quelconque "acharnement".
Il faut savoir aussi que n'importe quel article ou ouvrage savant, même pointu et destiné à un public très spécialisé, fait toujours l'objet de recensions dans les revues spécialisées, avec toujours une part de critiques. Cela fait pleinement partie du débat scientifique à l'échelle mondiale. Et c'est très sain.
Je trouve plutôt rassurant que des scientifiques prennent la peine et le temps de faire la même chose avec les ouvrages et documentaires de vulgarisation scientifique, parmi lesquels il n'est jamais évident de s'orienter quand on ne connaît pas déjà bien le sujet soi-même. Il faudrait même le faire plus souvent. Cela mettrait un peu plus de pression sur les éditeurs et les chaînes de télé peu scrupuleuses, et cela éviterait que de parfaits imposteurs ou des animateurs cools mais qui n'ont aucune vraie formation poussée sur la question puissent se faire passer pour des spécialistes auprès d'un grand public pendant des années, comme cela arrive dans d'autres domaines (Stéphane Bern ou Lorant Deutsch pour l'histoire, par exemple).
Accessoirement, et contrairement à ce que tu sembles penser, ce documentaire est loin d'être la première étude sur la Préhistoire à être consacré au rôle des femmes pendant cette période. Par exemple, dans un autre fil ici même, "Genre dans Würm", Lotin a apporté des explications là-dessus, et j'ai indiqué une autre source intéressante avec un podcast qui interviewait la préhistorienne Claudine Cohen. Donc il ne s'agit pas, pour les auteurs de la tribune, de décourager ce type d'approche, mais bien d'appeler à la prudence sur la nuance nécessaire quand on présente les résultats de la recherche actuelle.
En général ce ne sont pas les préhistoriens et les archéologues qui font ces généralités, mais les vulgarisateurs et autres journalistes qui relaient leurs travaux avec souvent de nombreuses déformations, volontaires ou non.
On trouve le même problème dans l'étude des dinosaures à plumes : l'état actuel des connaissances laisse croire que les dinosaures à plumes appartenaient à des genres particuliers. De leur côté, les tabloïds te sortent sans aucune gêne que le T-rex avait des plumes parque quelqu'un a dit une fois dans une conférence que c'était intlelectuellement possible donc c'est forcément vrai ...
Je suis en fouille là et surtout sans accès au net/4G/3G hors horaire de boulot (mon gîte est dans une vraie bonne zone blanche) et cela m'empêche d'être réactif sur les réponses mais je fais mienne la voix de Tybalt qui résume parfaitement ce que j'ai en tête ainsi que Sehkmy car je n'ai guère le temps de développer plus.
Que tu sois heurté de lire une critique raisonnée (et vraiment raisonnable hein car vu certains biais certains passages mériteraient plus encore) d'un documentaire/livre que tu as apprécié par ailleurs je peux le comprendre parfaitement mais je t'invite à relire plus tard les réserves émises par ces chercheurs spécialistes.
Et non, Brandolini n'est pas à double tranchant car dans le cas présent la critique émise ne vise pas à restaurer une vision passéiste sexiste de la question, loin de là, mais Tybalt le dit très bien.
Plusieurs choses.
- Premièrement les études scientifiques sans biais n’existent pas.
Pas plus que des études neutres.
Surtout pas en dehors des sciences dures.
Il convient d'en avoir conscience et de confronter différentes études, de revenir aux données primaires etc.
- Deuxièmement il faut remettre les choses dans leur contexte.
Nous parlons là d’un documentaire et d’un ouvrage de vulgarisation.
Pas d’un article scientifique paru dans une revue à commité de lecture.
Le titre en est « Lady sapiens » pas « Étude comparée de la posture sociale des sujets féminins dans le contexte du [insérer ici cinq lignes de jargon incompréhensible au profane] entre 25000 et 20000 avant le présent dans la vallée de Troupomée-lès-mont »
Lorsque vous lisez un ouvrage de vulgarisation intitulé « Le monde Celte » , vous savez que vous aurez un contrepoint au très neutre et très documenté « La guerre des Gaules » et les Celtes seront au centre du monde.
Il s'agit donc bien de vulgarisation mettant "la" femme préhistorique sous les feux de la rampe.
Et ce documentaire-ci est plutôt enrichissant pour ce que j’en pense, car il permet une remise en cause de la vision unilatéralement masculine de la préhistoire.
Bien plus sérieux et profitable qu’un Lorant Deutsch ou Stéphane Bern.
C’est quelque chose de profondément encré qu’avant les années 1940 une femme ne puisse avoir aucun rôle et aucun intérêt historique.
Aucune place fictionnelle pour ce qui est de notre loisir commun. Et plus on s’éloigne du présent, plus ce présupposé est vrai. « Ah non, ça se passe au moyen-âge, tu peux pas jouer un perso féminin combattant, ce ne serait pas histo... »
Je me suis laissé dire que Pavillon-noir était à 99.9% masculin au moins dans ses illustrations...
Revenons en à la préhistoire.
Même le mot « homme préhistorique » montre à quel point nous avons du mal à imaginer qu’une femme préhistorique ai pu exister également.
Il y a donc un travail à faire sur l'imaginaire collectif. Et imaginaire est à prendre là dans le sens de capacité à conceptualiser.
Ce documentaire ne s’adresse pas à des scientifiques, il s’adresse au collectif.
De ce collectif sortiront de nouveau scientifique qui ne s’appuieront bien entendu pas sur cet ouvrage dans leur recherches mais qui auront moins d’œillères puisque le concept même de femme préhistorique aura été rendu possible, entre autre, par ces médias.
- Enfin, (je m’excuse de la longueur de ce poste) cette tribune EST une attaque rétrograde.
Il y a un vernis policé, de bon sentiments, mais le parti-pris n’en est pas moindre.
Tout l'article est de la même eau mais pour ne citer que deux phrases à suivre, regardez comment débute la conclusion : [la mise en gras et souligné est de moi, en revanche les parenthèses (...) sont d'origine]
« Au bout du compte, le récit que tisse Lady Sapiens à partir des données de la science met en scène une version modernisée du mythe du matriarcat primitif ; mais là où c’était l’enfantement qui était censé avoir conféré aux femmes une place prééminente, c’est désormais leur activité productive qui aurait assuré l’égalité paléolithique des sexes. »
D’une part tout le vocable renvoie ici à la fiction, l’affabulation fantasmée, d’autre part on assimile « matriarcat » et « égalité des sexes » ce qui entérine la confusion semé tout au long de la tribune.
Et la seconde phrase de cette conclusion :
« Sous cette lumière, ce lointain passé – supposé uniforme durant des millénaires et de l’Amérique à l’Eurasie – ressemble étrangement au futur auquel aspirent à juste titre les féministes contemporaines, jusqu’à une « fort possible (…) gestion des identités sexuelles (…) bien plus ouverte et tolérante (…) que de nos jours » (p. 202). »
Procédé délicieux, les détracteurs reprochent aux auteurs de Lady sapiens une vision universaliste qui est de fait la norme pour présenter la préhistoire, alors qu’ils lui reprochaient d’avoir ignorer des cas de l’autre coté du globe.
Puis une succession de citation tronquée avec pas moins de trois élipses (...) dans une phrase, autre procédé qui est reprochée dans la tribune aux auteurs des documentaire et livre.
Mais là où il est manifeste que le discours conserve une posture rétrograde sous le couvert d’un verni politiquement correct très soigné, c’est la façon dont les auteurs sont mentionnés.
Dans cette seconde phrase de la conclusion les auteurs sont assimilés au « féministes contemporaines ».
Non seulement les auteurs sont accusés de véhiculer un mythe, mais encore l’aspiration de justice sociale qui entacherait leurs écrits ne seraient la préoccupation (légitime, ouf !) que de femmes militante.
Avec tout ce que cela a de réducteur et stigmatisant.
Les auteurs de cette tribune nous rappellent qu'ils n'ont pas le mauvais goût d'être féministes, ce sont des gens sérieux, eux.
Après, à tout prendre, je m’en fiche pas mal, je ne me prétends pas spécialiste.
Je lis cela par curiosité et avant tout pour nourrir mon imaginaire en jeu.
Donc les querelles de clochers ne m’empêcheront pas de dormir.
(Merci à ceux qui m'auront lu, certains aurait été capable d'écrir cela en moins de mots sans doute.)
- Nighthawk-69975
- ,
- Sehkmy
- ,
- Fabien4927
- et
- Nicolas18601
- Deuxièmement il faut remettre les choses dans leur contexte.
Nous parlons là d’un documentaire et d’un ouvrage de vulgarisation.
Pas d’un article scientifique paru dans une revue à commité de lecture.
Personnellement c'est ça qui me pose le plus de problèmes.
La tribune soutient que ce documentaire commet des erreurs, alors même qu'il s'adresse à un public de non-initiés qui n'auront pas les capacités de les percevoir puisque leur attention est endormie par les signaux d'autorité disséminés dans le métrage. Métrage qui se présente lui-même sous un jour scientifique. C'est aussi comme ça qu'il est présenté dans tous les médias que j'ai vu qui ont relayé son existence. J'ai du mal à voir comment on peut voir ça sous un jour positif.
David Peters (une figure décriée en paléontologie) fait pas mal de dégâts en utilisant les mêmes outils et en disant lui aussi qu'il veut s'implement "ouvrir l'esprit des gens" à propos des Ptérosaures en utilisant des médias communs. Résultat : plein de non initiés boient ses paroles.