GODS 915
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Je n'ai pas tout suivi mais savez-vous si une campagne est prévue? et plus généralement, un suivi est-il dans les cartons?
- Nomeansno
J'ai posé la question et voici ce que l'éditeur a répondu :
"Nous avons en effet prévu une gamme d'ouvrage pour soutenir le jeu. Nous avons prévu un supplément sur Babel, une grosse campagne pour révéler tous les secrets de l'univers, et des suppléments de factions par exemple. Plein de belles choses!"
Tout cela semble plutôt encourageant.
- sheerargetru
"Nous avons en effet prévu une gamme d'ouvrage pour soutenir le jeu. Nous avons prévu un supplément sur Babel, une grosse campagne pour révéler tous les secrets de l'univers, et des suppléments de factions par exemple. Plein de belles choses!"
Je trouve que les campagnes de Jdr sont les seuls outils vraiment capables de donner du corps au jeu. Apporter de la saveur et un ton officiel. Un JdR sans campagne, je trouve que c'est du gâchis, une promesse de gloire qui fait un flop. Tout pour dire que c'est une bonne nouvelle ! Excellente même, si jamais ils arrivent à proposer du contenu régulier et de qualité. A suivre donc.
Pour ce qui est des similitudes avec Bloodlust, c'est vrai qu'il y en a. Mais étant moi-même un gros fan et relativement actif dans la communauté Bloodlust métal, les différences avec le jeu sont tout de même suffisantes pour voir en Gods un jeu différent. Une menace du culte du soleil noir, déjà, change le ton du jeu. Les notions de "groupe" un peu comme à Runequest, le fait que les PJ soient le centre d'intérêt du jeu, le monde sombre et aux territoires sauvages et dangereux, et bien sûr, un très très très gros travail d'illustration pour vraiment donner du corps au monde et une meilleure immersion. Si seulement BL avait pu bénéficier d'un tel travail …
- Nomeansno
Je trouve que les campagnes de Jdr sont les seuls outils vraiment capables de donner du corps au jeu. Apporter de la saveur et un ton officiel. Un JdR sans campagne, je trouve que c'est du gâchis, une promesse de gloire qui fait un flop. Tout pour dire que c'est une bonne nouvelle ! Excellente même, si jamais ils arrivent à proposer du contenu régulier et de qualité. A suivre donc.
Entièrement d'accord.
J'espère que l'on passera la barre des 60 000 euros durant cette campagne de financement : cela débloquerait une première mini-campagne en 4 scénarios, ce qui aiderait bien à découvrir / faire découvrir l'univers du jeu.
Coucou juste pour répondre à une remarque faite sur l'autre fil de discussion de GODS concernant mon travail sur la cartographie. Je ne sais plus qui était déçu à l'annonce de la map de Babel en mettant en ligne la petite carto de Marad du kit d'Intro comparé à la carte de Boldhome que j'ai réalisé pour RuneQuest.
Alors pour donner quelques précisions :
- La carte de Marad (comme son nom bien visible l'indique) c'est pas la carte de Babel. C'est celle d'un petit village au milieu du désert.
- Les contraintes de la commande ne permettaient pas de représenter Marad plus zoomé qu'elle ne l'ai déjà (et encore j'ai triché sur l'échelle), vu qu'il fallait représenter toute la zone représentée justement ^^!
- La carte de Marad c'est pas le même nombre d'heure de travail que la carte de Boldhome et on sera loiiiiiiiiiiiiiiiiiiin du temps de travail que va représenter Babel!
- La carte de Marad c'est pas le même tarif que celle de Boldhome.
- Si je devais facturer aujourd'hui des cartes comme celles de Boldhome, la Cité Franche pour Dragon, etc. des maps qui prennent de 100 à presque 200 heures de travail... bah je vous laisse imaginer (vu que je bosse avec des éditeurs qui ont un minimum de respect pour la valeur du travail ). Donc ouai je fais des cartes plus simples que d'autres, surtout quand il s'agit d'illustrer le petit patelin d'un scénar de kit de démo Après perso le préfère aujourd'hui le style de Marad que celui de Boldhome qui a plus de 3 ans (trop texturé, trop saturé), mais ça c'est une question de goût personnel
- Dany40 le Fix
- et
- Poliakhoff
Merci de tes éclaircissements.... l'identité visuelle étant forte à GODS, avec un groupe important d'illustrateurs dont tu fais partie mobilisé .... est ce que la partie visuelle de GODS a fait l'objet de brainstorming spécifique pour construire un véritable univers visuel à plusieurs ? Que ce soit la maquette des textes, les cartes, les illustrations.... ?
Pour être tout a fait exacte (puisque c'est moi qui ai posté ce commentaire) c'est Arhane AP eux-mêmes qui ont illustré leur news sur déblocage de la carte de Babel en mettant en avant celle de Marad :
Lien de la news
Donc effectivement, Marad n'est pas Babel mais on peut prier pour que la carte de Babel se rapproche de celle de Boldhome... et non de celle de Marad !
Petite question : lorsque vous dites "on sera loiiiiiiiiiiiiiiiiiiin du temps de travail que va représenter Babel!" ça veut dire plus d'heures ou moins d'heures ?
Merci pour ces précisions en tout cas.
On sera sur une carte du gabarit des plus imposantes que je réalise oui, donc du 100 à 200 heures de travail. Bien heureusement ça sera plus imposant qu'un village hein
- Nomeansno
- et
- Poliakhoff
J'ai vraiment hâte de voir ça ! J'espère qu'on pourra en commander un tirage dans un format digne du travail accompli.
Des précisions sur le système de jeu, élaboré par Julien Blondel : https://fr.ulule.com/gods-jdr/news/jouer-a-gods-2-233046/
Personnellement, j'aime beaucoup. Ça semble simple et efficace, tout ce que j'aime dans un système.
- Spark5262
La description me laisse sur ma faim. En effet le système de base nous engage sur un terrain assez connu - [lancer X dés de X, compter le nbr de réussites, nbr comparées à un seuil, garder le surplus pour effets suplémentaires]
Du coup la valeur ajoutée pourrait se trouver ici?
Le système de combat offre de nombreuses options pour gérer la diversité des armes et les situations complexes comme les combats de groupe, les différentes techniques, ainsi que les pouvoirs et avantages des PJ et PNJ.
J'espère encore des éclaircissements.
Souvent, il me suffit d'une seule illustration pour imaginer toute une aventure, voire toute une campagne.
Une seule image, par sa puissance, peut-être aussi efficace que des dizaines de pages de texte.
Les nouvelles de Justine Niogret qui prolongent magnifiquement certaines des superbes illustrations du jeu en sont la preuve.
Alors, à mon tour, l'esprit ensorcelé par ces images, je me suis laissé gagner par les mots.
Je vous propose donc la nouvelle inspirée par "Prêtre du Soleil Noir".
Pourquoi celle-ci ? Je ne sais pas précisément, mais l'histoire est venue d'elle-même, elle s'est imposée.
Voici donc :
Chaînes
J’ai toujours été seul.
C’est exactement ce que j’ai pensé quand les mots ont commencé à couler des lèvres sèches du prêtre. Tels de l’encens répandu subtilement dans l’air, ils se frayaient un chemin vers les envies et les désirs secrets de la foule. Tels des serpents susurrant leur lent poison, je les voyais s’insinuer dans des têtes trop heureuses de les accueillir.
Alors que votre soleil fait apparaître des ombres le Soleil Noir fera rejaillir les lumières masquées. Et Sa splendeur sombre est vérité. Elle estompera les mensonges et dévoilera ce qui était caché. Son voile vous soulagera des rais qui brûlent tout, qui balaient la pierre et ne laissent que cendres. Et la terre apaisée, sous son regard tranquille, soufflera enfin.
Oui, des mots, des mots plaisants, des mots qui caressent. Des mots comme les mailles d’une tapisserie figurant un monde régénéré. Des mots qui vous enveloppent comme l’étreinte d’une amante et qui brouillent les sens.
J’en ai entendu des mots. Autrefois. Je les écoutais et je croyais à la réalité qu’ils décrivaient. Ils étaient mes amis et mes juges, me berçaient d’illusions réconfortantes et me rappelaient à l’ordre quand j’osais bousculer les règles qu’ils instauraient. Je croyais les dominer mais je n’étais que leur marionnette. Je les manipulais, pensais-je, mais leurs fils d’encre m’agitaient tel un pantin stupide.
J’étais fier de savoir les tracer, de les exposer au regard inculte des autres. Je regardais les yeux s’écarquiller devant leurs courbes absconses, gonflé de l’orgueil de savoir. Je recevais les pièces d’or et les feuilles d’argent, les outres de vin et les coquilles nacrées, les bois d’antilopes et l’ivoire torsadé de cornes étranges. Je trônais, comme aujourd’hui ce prêtre néfaste, au milieu des gens simples pour leur arracher leurs richesses contre des mots. Des mots précieux pour eux, qui pouvaient leur permettre d’échapper à des sanctions, des mots qui sauvaient de la condamnation. Des mots investis d’un pouvoir. Mais parfois aussi des mots légers ou plus coquins pour des aventures souvent sans lendemain. Parfois même des mots chantants, dont s’emplir la bouche avant de les libérer dans les airs. Des mots dont un homme riche avait fini par s’enticher.
Ah, j’en fis commerce tant et plus et puis, un jour, j’en fus las. Je ne savais plus, je ne voulais plus, je ne pouvais plus. Comme d’autres deviennent muets, je devins soudain incapable de tracer le moindre mot. A peine en murmurai-je.
J’errai à la recherche de moi-même dans les rues de ma grande cité natale, parmi les roches amères du désert, le long d’un fleuve aux eaux d’un bleu limpide et de ses rives chamarrées. Je traçai ma voie sans but sous la voûte d’étoiles ternes et la lueur de feux sauvages. J’avançai dans la jungle humide sous les cris moqueurs des singes, franchis des gouffres insondables le pied malade sur des semblants de ponts. Gravis des pentes traîtresses, dérapai sur des sentiers de chèvres, me blessai au bord de précipices.
Au bout d’un an, je ne m’étais toujours pas trouvé. Mais, fatalement, si vous n’y parvenez pas, quelqu’un le fait pour vous. Ils étaient quatre. Quatre bêtes ricanantes à forme humaine. Tout autour de moi. Je ne les avais pas vues arriver. Elles grognaient, de leurs bouches aux dents pointues suintant une bave noirâtre, de la même couleur que les arcs des tatouages qui couvraient leur peau nue. Leurs prunelles fixes ruisselaient d’une joie malsaine tandis qu’elles s’approchaient. Je n’avais plus mes mots, et même si cela avait été le cas, ils ne m’auraient servi à rien. Elles se jetèrent sur moi et je ne pus que hurler. Et mon cri déchira la nuit et fit vibrer une antique corde depuis trop longtemps endormie.
Elles me mordirent, les bêtes, leurs ongles-griffes lacérèrent ma chair. Je crus que j’avais mal. Mais ce n’était encore rien. Elles me traînèrent sur le sol jusqu’à temps que mes habits ne soient plus que des haillons baillant sur ma peau martyrisée. Elles me relevèrent. Et je dus marcher, les plaies ouvertes, bourdonnantes de mouches brunes, sous les quolibets incompréhensibles de mes bourreaux.
Mes larmes s’étaient taries depuis longtemps quand elles me passèrent la chaîne autour du cou. Elles lavèrent mes plaies, y disposèrent des onguents pour tuer les larves que les mouches avaient pondues. Elles me rasèrent les cheveux et me crachèrent au visage. Je compris plus tard que ce n’était pas pour m’humilier mais pour me protéger. Comme les tatouages qu’elles gravèrent dans mon derme. Des arcs curieux, qui se joignaient bizarrement pour former des motifs insensés.
Mon premier combat eut lieu peu après. J’y défendis ma vie. Ce fut mon instinct et non ma raison qui m’anima. L’homme qui me défia luttait aussi pour continuer à respirer. Il tenait maladroitement une vieille lame rouillée dans sa main poisseuse de sueur. Ses yeux étaient plein d’effroi. J’avais le regard vide, comme mon cœur. Je frappai de mon ceste clouté et l’homme hurla de douleur. Le sang me gicla au visage. Des lambeaux de chair restaient accrochés dans les épines de mon poing d’airain. J’assénai un nouveau coup et j’entendis la mâchoire de l’homme se disloquer sous l’impact. Je le laissais tituber et s’écrouler à terre en gémissant. Ce n’était pas moi qui avais fait ça. Seulement des réflexes ataviques qui remuaient encore. La corde vibra une nouvelle fois et je m’écartais vivement sur le côté alors que la vieille lame rouillée de mon adversaire déchirait l’air. Il y eut un éclair doré et un craquement. Mon bras ruisselait d’un sang qui n’était pas le mien. Je retirai mon poing. Comme un sifflement jaillit de la plaie béante qui laissait voir la trachée.
Je fus tiré vivement en arrière. On ne me laissait pas fêter ma victoire si tant est que je l’eusse voulu. Je n’étais qu’un molosse dont on détend la chaîne le temps d’une rixe mortelle.
Le temps passa et j’enchaînais les combats en un contre un. Et puis, quand on me jugea devenu capable, on m’opposa à deux, puis trois adversaires. Il y avait longtemps que j’aurais dû mourir. Mais la corde continuait de vibrer et j’esquivais les coups vicieux que l’on me destinait. Couvert du sang et parfois de l’urine de mes adversaires, je grelottais sous la nuit froide. Les bêtes avançaient sans jamais se lasser, sans jamais que je perçoive quelque but que ce soit dans leur périple. Nous traversions des territoires gigantesques, avec pour seuls compagnons, le vent, la pluie, et une solitude immense qui pesait sur nous, menace impalpable qui me bouleversait. Je percevais un manque immense, les reliquats d’une souveraine présence aujourd’hui enfuie, et dont je pleurais l’absence en mon cœur. La sensation d’une séparation cruelle m’étreignait. Je ne pouvais me défaire de ce fantôme qui marchait à mon côté et dont je croyais à chaque instant saisir les traits avant qu’ils ne se dissolvent dans l’air.
Les bêtes ne semblaient se rendre compte de rien. Elles se mouvaient, tuaient, dormaient avant de se remettre en mouvement. Un mécanisme d’une précision absolue qui ne sait faire autre chose que se répéter pour l’éternité. Elles me surprenaient souvent à rire tout seul et devaient me croire fou. Et d’ailleurs, je l’étais peut-être.
Mais cette folie leur plaisait semble-t-il, car elles m’ôtèrent un jour mes chaînes, sans un grognement, sans un geste. Je savais que ce n’était pas la liberté, mais une autre façon de m’enchaîner. J’exprimais mon art de tuer au sein de l’ivresse sauvage de leurs chasses, enfonçant mon ceste dans les entrailles de mes adversaires, plongeant leurs pointes vermeilles dans des orbites soudain éteintes. Et tandis que dansaient les bêtes en hurlant, je restais assis des heures à fixer l’horizon.
Vint le jour où je voulus m’enfuir. Je désertai en plein assaut, mais les bêtes me bondirent dessus. Nous étions au pied d’une ziggurat de pierre noire, dont l’arrogante silhouette se tendait vers les cieux, griffe d’obsidienne balafrant les nuages. Des hommes et des femmes aux visages dissimulés par des masques nous observaient, immobiles, depuis les degrés titanesques de la tour. Elles ne tressaillirent pas quand mon visage fut violemment plongé dans le sable et que je m’étouffais avec ses millions de grains. Puis je fus tiré en arrière avec une force stupéfiante et on me traîna jusqu’à une roche plate sur laquelle on m’agenouilla. On me bloqua les bras dans le dos. Aveuglé par le sable qui me brûlait les yeux, je distinguais à peine mes bourreaux. Mais ce n’étaient pas les bêtes. Elles se tenaient à distance, observaient en silence.
La douleur fut tout de suite intense. On forait dans ma chair. Quelque chose se frayait un passage en moi. Glacé, acéré, tranchant, coupant, creusant, arrachant, massacrant mon corps. Je vomis plusieurs fois et je finis par m’évanouir. Mais une douleur plus vive encore m’éveilla. Je hurlai tandis qu’elle résonnait en moi d’une façon aussi inédite qu’insupportable. J’eu l’impression que toutes mes dents s’effritaient, que mon crâne était arasé par des milliers de morsures. Nul endroit de mon corps ne pouvait m’abriter. Je n’étais plus que souffrance, souffrance, souffrance. Et, dans un éclair aussi fugace que terrifiant, je compris que le forage se poursuivait dans mes os. Je sombrais de nouveau dans l’inconscience, m’éveillais en hurlant, replongeais dans les limbes d’un oubli sans repos.
Je la vis qui brillait dans les ténèbres. Ses anneaux vermeils pulsaient comme des veines entrelacées. Sa reptation, lente, la faisait se rapprocher de moi à la manière d’un prédateur sûr de son fait. Elle brillait et vibrait. Vibrait un peu comme la corde qui m’avait à maintes reprises sauvé la vie. Elle se lovait sur elle-même, dressait soudain son col, dodelinait de droite et de gauche, progressait par saccades. Elle était brûlante comme de la glace en feu. Elle était froide comme un bouquet d’échardes ignées. Elle était ma condamnation et ma rédemption. Elle était moi.
Le premier maillon fut fixé dans l’os de mon bassin, au cœur de l’océan de ma chair ravagée. Lorsque la pince le referma, quelque chose s’ouvrit en moi, et j’entendis une lointaine pulsation. Tel un sanglot lointain, répété sans cesse, une plainte longue et poignante qui m’étreignait le cœur. Une ombre se pencha sur moi et psalmodia d’une voix aux accents irréels. C’étaient des mots, mais des mots étrangers, plus qu’étrangers mêmes, comme s’ils n’appartenaient pas au sol que je foulais. Et l’atroce blessure qui s’infectait fut purifiée. Ma chair se régénéra et reprit la forme d’avant. Ou presque.
Car les deux côtés opposés d’un maillon vermeil disparaissait dans mon derme, pour de maillons en maillons se cadenasser dans mes os. A l’autre extrémité, une silhouette au gant d’or saisissait le grand anneau qui commandait. Elle ne fit que l’effleurer et je ressentis un plaisir immense. Elle l’érafla de son ongle-escarboucle et je fus déchiré par une douleur atroce. Sous son masque vermeil aux yeux grenat, elle me fixait, impénétrable.
Je ne revis jamais les bêtes. Mais la femme de la ziggurat, car c’était une femme sous les amples atours bariolés qui me dissimulait ses formes, devint pour de longues années ma maîtresse-bourreau. Souvent, elle ne disait mot. Parfois, elle se donnait à moi par la chaîne, et nos étreintes-maillons me transportaient d’un bonheur indicible. Quelquefois, elle me punissait sans que je sache la faute que j’avais commise et je croyais casser comme un homme de verre.
Encore plus rarement elle parlait, et ses mots n’étaient pas comme ceux que je croyais maîtriser autrefois. Plus subtils, plus organiques, ils touchaient à des mystères anciens et des secrets enfuis dont je ne pouvais comprendre la nature. Lorsqu’elle parlait, elle ôtait son masque et j’admirais son visage scarifié de dizaines de signes écarlates. Ses yeux cobalt avaient la profondeur des glaciers, le son de sa voix la pureté infinie d’une eau endormie depuis des millénaires. Dès que ses lèvres s’ouvraient pour laisser fleurir les premiers mots, je m’extrayais de la pesanteur du temps pour gagner un endroit léger, tellement léger. Un endroit familier où une corde vibrait. Que de souvenirs jamais advenus tressaillait le long de cette corde ! Que d’évènements possibles mais jamais réalisés !
Nous voyageâmes, duo insolite, maîtresse et esclave, parmi les paysages grandioses et crépusculaires des Terres Sauvages. Tandis que ses mots imprégnés d’un antique pouvoir frappaient, mes cestes martelaient, excavaient, trouaient les chairs des prédateurs et des mercenaires. De glace et de feu, de charbon et de cristal, le legs antique déjouait les protections de nos ennemis pour les percer de toutes parts. Notre danse, martiale et occulte, vermeille et carmine, sueur et sang, chaîne de hasards et de doutes, entrelaçait nos destinées dans les maillons des figures tracées par nos corps complices.
Chaîne déchaînée. Voilà ce que nous étions. Tendue, détendue, fouet de métal et d’arcanes, semant la mort et l’effroi. Deux êtres tendus vers le même but, mais pour des raisons dissemblables. Je voulais comprendre le mystère de la corde qui vibrait. Elle voulait épuiser les possibilités offertes par la chaîne. Nous épuiser dans une conquête absurde de l’impossible. Tenter de devenir à deux l’égal d’un dieu.
Cette folie m’exaltait et me lassait tout à la fois. Car quelle que soit la réponse, je doutais qu’elle eut un sens. En revanche, la corde m’évoquait un endroit familier que j’avais quitté à regret, un havre de paix que je rêvais de gagner pour enfin m’étendre et me reposer. La quête de ma maîtresse, si grisante, l’aveuglait. Elle apprit un jour le chemin caché qui menait au dernier séjour d’une déesse aujourd’hui oubliée. Nous l’arpentâmes, les maillons de la chaîne tressautant d’un espoir dément. Noyés sous les encens flatteurs de l’illusion, nous parvînmes au pied d’une porte d’airain. Devant elle se dressait un colosse, de métaux précieux et de gemmes serti, qui tenait dans sa main une chaîne colossale aux maillons d’ivoire. Des os de dragons ! Les hurlements des formidables bêtes ailées retentissaient dans mes os, à l’unisson de leur fureur.
La chaîne du colosse fendit l’air et les puissants mots de ma maîtresse se dressèrent en une barrière de cristal rugissante. Mais elle fut vaine face à l’artefact, qui s’enroula autour de son cou. Son masque tomba et, pour la première et la dernière fois, je vis des copeaux de tristesse étoiler ses yeux cobalt. Le colosse tira et il arracha la tête de ma maîtresse dans une gerbe de sang. Elle s’écroula au sol, relâchant sa poigne sur l’anneau d’or de notre chaîne, et un hurlement primal s’éleva de ma gorge. Cette fois, c’était bien plus que de la douleur. On m’ôtait brutalement une partie de mon âme. Sonné, je titubai vers le colosse et lui portai des coups maladroits qui cliquetèrent contre les gemmes. Il lança sa chaîne-dragons contre moi. La corde vibra mais ce fut cette fois insuffisant. Mon pas de côté me permis juste de garder la vie sauve. La chaîne vermeille fut tranchée au ras de ma chair. Ne demeuraient que les pointes barbelées d’un maillon, tâchées de sangs mêlés…
Les nuages s’élèvent en volutes majestueuses au-dessus des tours de la ville. Je les vois autour de moi, hommes et femmes, civils et militaires, leurs oreilles abreuvées des mots-serpents du prêtre du Soleil Noir, nouant eux-mêmes les lacets de l’obéissance autour de leurs cous. Ma main droite caresse les échardes vermeilles, vestiges d’une chaîne brisée.
Et au fond de mon cœur vibre une corde. Et soudain je comprends. Illumination.
Je flotte dans un liquide opaque. Non loin de moi une présence calme. C’est un commencement. Une douce musique, harpe et cithares, me baigne de joie. Je suis en paix. Je regarde. Deux globes anthracite me fixent et me renvoient mon image. Deux yeux qui ne sont pas les miens, mais ceux de celle que je cherche vainement depuis toutes ces années.
Ma sœur jumelle. Morte pour que l’un de nous survive. Le baiser du Soleil Noir était pour nous deux. Car Il nous craignait. Mais elle m’a donné toutes les possibilités de son existence pour me sauver alors et aujourd’hui.
Une terrible rage couve en moi tandis que je comprends enfin pourquoi je me trouve ici en cet instant. Ici à caresser les maillons de cette chaîne brisée en qui coule l’esprit subtil de mon ancienne maîtresse. Ici à me rappeler les brûlures des tatouages incrustés par les bêtes dans ma chair. Ici à entendre les mots trompeurs de l’infâme servant de l’Unique…
Je me revoie devant le colosse. Seuls quelques maillons de la chaîne vermeille subsistent, solidement enchâssés en moi. Le colosse frappe de nouveau. Une symphonie de lumières et de sons se révèle. La corde vibre en moi. Cette fois, j’esquive la chaîne mortelle, comme insouciant. Je me glisse dans le dos du gardien. Et je frappe dans le talon du titan, transperçant la cuirasse invincible à son seul défaut. L’harmonie est brisée. Les gemmes ne résonnent plus de leur chant de lumière et le colosse s’effondre devant moi, bloquant la porte d’airain. Je quitte ces lieux sans regret, laissant ma maîtresse morte et la déesse endormie à leurs secrets.
Je me suis réapprivoisé. J’ai franchi le mur de la sauvagerie dans l’autre sens, pour redevenir un homme. J’ai repris contact avec mon peuple et loué mes services en tant que mercenaire. Je ne m’amuse plus des mots et suis très méfiant envers ceux qui en usent. Je ne me gausse plus des faibles et des ignorants. Je suis leur humble bouclier, le petit maillon d’une chaîne protectrice. Je demande comme paiement ce que mon employeur peut m’offrir. Même sa simple gratitude me suffit…
Je me tiens au côté de la femme qui m’a demandé assistance. Elle écoute le prêtre, comme les autres. Je sens qu’elle a envie de le croire. Mais un léger soupçon la retient. Elle écoute mais ne s’imprègne pas, elle entend mais ne veut pas croire. Elle se tourne un instant vers moi et elle trouve dans mon regard la résistance dont elle a besoin pour se soustraire aux mots du prêtre. Au moins une d’épargnée. Pour aujourd’hui.
La véritable bataille peut encore attendre. Toutes ces années de souffrance m’ont préparé. Je fixe le prêtre dans ses yeux sombres, braqués sur la foule comme s’ils voulaient la consumer. Il ne m’a pas remarqué. Je souris. Je vais le laisser finir sa harangue. Et quand il aura cessé son office, qu’il sera temps pour lui de rentrer auprès des siens après une journée bien accomplie, je viendrai lui souhaiter le bonsoir… à ma façon.
Je n’ai pas à m’inquiéter, car, je le sais maintenant, je n’ai jamais été seul.
- Samladh
- ,
- Nonobub
- et
- Nomeansno
GODS est un univers extrêmement immersif grâce à ses splendides illustrations, produites par des artistes très variés qui ont su chacun s’approprier l’ambiance de l’univers.
Je suis de plus en plus impatient de voir ce que va donner la suite du financement.
J’espère que nous aurons encore d’autres belles surprises (d’autres nouvelles de Justine Niogret par exemple).
Des précisions sur le système de jeu, élaboré par Julien Blondel : https://fr.ulule.com/gods-jdr/news/jouer-a-gods-2-233046/
Personnellement, j'aime beaucoup. Ça semble simple et efficace, tout ce que j'aime dans un système.
Nomeansno
J'ai pour ma part quelques craintes sur la complexité du système.
J'ai souscrit au kit de démarage de Vermine 2047 (qui dispose du même système) et derrière la simplicité de la mécanique de base se greffent de nombreuses subtilités, paramètres à prendre en compte et éléments à gérer. Certains MJ y trouveront certainement leur bonheur, pour moi c'est un frein très important.
J'espère que le système de Gods est sur basé sur une version plus light du système Totem... nous en saurons sans doute plus avec la prochaine arrivée du kit de découverte.
- muscleman
- et
- Nomeansno