Un JDR ou AP, peut-il être engagé ? 767
Forums > Gnomes & liches
[message supprimé]
Je suis assez d'accord avec ce qui a été évoqué au sujet des JDR qui éludent les questions qui fâchent. Par définition, à mes yeux, ils ne sont pas engagés. Pour moi, un jeu comme "Les Chants de Loss" est bien plus engagé, surtout quand on connait les auteures, justement parce qu'il traite de discrimination et de sujets graves comme l'esclavage, qu'un jeu qui prétend que tous les peuples, races, orientations sexuelles etc. sont égaux et vivent en harmonie. Cela étant, il est parfois plaisant de jouer à des jeux non engagés, légers, et de se détendre, de s'éloigner des problématiques et difficultés du monde réel. Après tout, c'est un loisir, et même un loisir de l'imaginaire. Alors tout est possible.jtrthehobbit
Est-ce que tu as des exemples de la façon dont certains jeux "éludent" ? Je demande parce que je pense qu'il y a une différence entre vraiment éluder, au sens de n'évoquer nul part quoi que ce soit, et parler, dans une note d'intention, de la volonté de proposer un univers de JDR sans discriminations, par exemple.
Et je trouve que le parti pris de la bienveillance peut être un engagement. C'est même un projet ludique intéressant : sur quoi reposent les enjeux narratifs s'il n'y a pas de conflits, ouvert ou fermé ? Il existe des jeux qui prennent ce parti, plus ou moins complètement (je pense à Belonging Outside Belonging, où le coeur du jeu est la communauté minoritaire qui s'entre-aide face à l'adversité du monde, ou encore cette sélection de jeux bienveillants ).
- jtrthehobbit
Si la définition des termes n'est pas déterminante, alors une démonstration est impossible, celle que tu proposes comme celle que tu sollicites, amha. À moins que ce soit de l'humour absurde plutôt qu'une démonstration. 🙂
C'est délicat de mettre sur le même plan toutes les formes d'engagement au sens le plus large, alors que d'autres termes existent et distinguent les choses sans dénigrer personne.
Faut-il être tous engagés, quand la vocation est parfaitement estimable, par exemple ?
Alors je suis d'accord avec toi qu'un jeu dont la thématique principale est la bienveillance ou l'égalité totale est sûrement très engagé. C'est le cas aussi si on décide d'adapter en JDR un matériel de base, roman, comics, web-serie qui l'est déjà comme QUEERZ! RPG avec le système de City of Mist. La finalité de l'engagement est une question compliquée, car il y a aussi des effets de mode et une question d'opportunité et d'évolution de la société en dehors du jeu, dans tous les médias, des sortes de "courants" qui font que tel ou tel jeu pourra exister ou pas, en tout cas commercialement à un moment donné.
A mes yeux, un jeu sera plus facilement identifiable comme engagé s'il est un peu marginal, amateur, ou en tout cas "de niche". Mais c'est un biais personnel, qui vient de ma méfiance envers tout produit à but commercial, de mes propres expériences vis-à-vis d'un marketing industriel qui n'hésites pas à s'approprier n'importe quelle cause tant qu'elle est populaire et peut ramener des clients. Je sais que dans le JDR, il y a aussi beaucoup d'auteurs et d'éditeurs sincèrement concernés par tous ces sujets. Je vais plus facilement croire en l'engagement d'un petit éditeur FR de JDR qu'en celui d'Hasbro ou de Disney.
Quand je dis qu'éluder la question n'est pas une forme d'engagement, je parlais de jeux qui décident de créer, par exemple, un monde imaginaire où ces problématiques sont ignorées. Dans le monde de star trek ou de mass effect, on peut jouer n'importe quel humain, de n'impore quelle couleur, de n'importe quelle nationalité, de n'importe quelle orientation, et ça n'a aucun impact sur le jeu. C'est très ouvert. A la fois cela me parait naturel d'avoir cette ouverture, et souhaitable, comme ça le jeu est agréable pour tout le monde, et à la fois ça ne me parait pas vraiment être une forme d'engagement puisqu'il n'y a pas débat. Les auteurs ont fait de la question un "non sujet", pour se concentrer sur d'autres thèmes.
Parfois, le thème sociétal est éludé pour les humains, mais un message transparait quand même, transposé avec des peuples/races/aliens fictifs, ce qui est d'ailleurs le cas dans Mass Effect, où la question de l'accès au conseil de la citadelle est posé, ainsi que la jalousie, animosité et rivalité entre les civilisations extra-terrestres. D'ailleurs, l'imaginaire (pas que le JDR) est un excellent outil pour "déplacer" une problématique réelle dans un autre contexte et pouvoir l'observer avec moins de "biais", donc y réfléchir plus posément.
La question est assez complexe, mais ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas en rendant tout égal, et en ignorant, en supprimant les différences, qu'on est forcément le plus engagé pour défendre une cause. Parfois mettre ces éléments en avant est une façon de les dénoncer. A condition bien sur que le jeu ou l'oeuvre soit taillée pour qu'on ne puisse pas s'en réjouir ou en faire l'apologie, cela va de soi. Bref, c'est une question complexe qui se débat difficilement en quelques mots ou même quelques lignes.
- PinguFury
Si je comprends bien que tu parles des militaires, ils étaient littéralement "engagés". L'expression n'est pas galvaudée dans leur cas.
- Sylvain15560
Oui tout à fait.
Hu trop facile
Les définitions d’engagement qui s’appliquent ici impliquent l’acte d’un individu :
*Fait de prendre parti sur les problèmes politiques ou sociaux par son action et ses discours
*Pour les existentialistes, acte par lequel l'individu assume les valeurs qu'il a choisies et donne, grâce à ce libre choix, un sens à son existence
Si un JDR est engagé alors un JDR est un individu hors un JDR est un objet par conséquent un JDR ne peut pas être engagé.
voilà, voilà.
Orian
Excellent! Premier message drôle ici depuis un moment
NapalmGlop
Je ne suis pas certain que ce soit simplement une boutade. "Être engagé" quand le sujet est un jeu de rôle et "être engagé" quand le sujet est la personne qui a écrit le jeu de rôle ne signifient pas du tout la même chose.
Par exemple, je suis toujours admiratif des auteurs d'un seul jeu de rôle qui l'ont écrit comme on entre en religion, portés par un je-ne-sais-quoi qui les dépassent et qui exige d'eux de livrer à notre regard ce monde intérieur qui est le leur et qui les débordent, tout à fait comme certains auteurs de roman se font imposer par leur roman de l'écrire, "il fallait que ça sorte" -- je ne sais pas si je suis clair, pardon.
Les cas ne sont pas si rares. Pierre Kakos s'est engagé pendant des années et des années dans l'écriture de Lesser Shades of Evil avec une passion presque destructrice (il y laissa d'ailleurs des plumes, si mes souvenirs sont bons). Le professeur Muhammad Abd-el-Rahman Barker a consacré une grande partie de sa vie (depuis ses 10 ans) à poser par écrit son univers, avec une passion indéfectible, dans un engagement qui, finalement, n'est pas si éloigné d'un engagement amoureux. Il a oeuvré à nous le donner, cela s'imposait à lui aussi. Engagés, ils le furent tous deux, assurément à mon sens. Ont-ils pour autant écrit des jeux de rôle engagés ? je doute fort que tout le monde répondrait oui à cette question.
Je me souviens encore de ma première lecture du livre de base de The Masquerade, par Mark Rein•Hagen (premier point médian de l'histoire du jeu de rôle, au passage ) lorsqu'il invoque Roger et moi de Michael Moore pour la construction de Gary by Night. J'avais vu le film documentaire peu de temps avant, et c'est la première fois que je lisais dans un livre de jeu de rôle qu'on pouvait parler des injustices de notre monde, s'en emparer, pour construire des histoires qui auraient aussi un sens politique, social, ou sociétal. La prise de position de sa part était forte, risquée -- puisque le jeu de rôle, c'est pour s'amuser. Cela fait-il pour autant de The Masquerade un jeu engagé ? Je n'ai pas la réponse.
A l'inverse, je ne connais rien de l'auteur de Night Witches, et d'ailleurs il ne nous parle pas de lui dans le jeu, mais s'il fallait choisir un jeu engagé, c'est lui que je choisirais.
- Gollum
Edwin, ton humilité dusse-t-elle en souffrir, tu es quelqu'un d'engagé.
Et je ne pense pas qu'un soldat qui risque sa vie dans les troupes de l'ONU pour maintenir la paix ou qu'un médecin qui sacrifie un salaire potentiel et ne gagne qu'une misère pour aller s'occuper de ceux qui en ont le plus besoin dans un pays défavorisé dirait le contraire *.
Pourquoi ? Pour une raison toute simple : Si ces deux personnes ont un jour affaire à un fonctionnaire pour remplir des papiers, ils souhaiteront que ce soit quelqu'un comme toi. Comme chacun d'entre nous. Et ça, ça prouve que tu ne fais pas simplement un job, mais que tu fais ton métier avec coeur (j'ose le mot), ce qui fait toute la différence.
Pour en revenir aux jeux de rôles, maintenant, je dirais que c'est pareil. Il y a différent niveaux d'engagements. Selon que la cause défendue est plus ou moins brûlante (c'est un peu facile de s'engager pour quelque chose avec quoi la majorité des gens sont de toute façon d'accord), et la force avec laquelle cet engagement est effectué.
Pour s'en convaincre, prenons l'opposé. Il y a des jeux qui refusent de s'engager. Soit parce que les auteurs considèrent que ce n'est qu'un jeu et qu'ils n'ont pas à imposer une vision des choses sérieuse dans un ouvrage fait pour se détendre **. D'autres le font simplement pour éviter de perdre des clients ("Houlà ! Terrain miné, suivons plutôt le consensus majoritaire... ou évitons simplement le sujet).
Je ne juge personne ici. Chacun a ses raisons et celles que je viens de cité ne sont en rien mauvaises. Ce sont juste des choix.
Mais si un jeu ou un actual play peuvent éviter de s'engager en restant dans le consensuel, alors il peuvent aussi s'engager ***.
Et on voit bien qu'entre le refus total d'engagement et l'engagement total, il y a tout un éventail de possibilités qui s'ouvre (ainsi que tout un éventail de façon de le faire pour chaque "degré" d'engagement, d'ailleurs).
___
* J'ai choisi ici deux métiers dont on peut difficilement dire qu'ils ne sont pas engagés... Volontairement, évidemment.
** Démonstration par l'absure réclamée : un engagment est quelque chose de sérieux. Un jeu est quelque chose qui est fait pour sortir de ce qui est sérieux. Un jeu ne peut donc pas être engagé. Bon, OK, ce n'est pas une démonstration par l'absurde, c'est un syllogisme. Et même s'il est valide (les deux prémices étant universelles on peut en tirer une conclusion universelle), il est fallacieux : on peut questionner ces deux prémices : est-ce que tout engagement est sérieux et est-ce qu'un jeu ne peut pas l'être lui aussi ? Mais, bon, je m'en fiche, je ne suis pas mathématicien !
*** Ca, c'est une bien meilleure démonstration.
- Fabien4927
Hu trop facile
Les définitions d’engagement qui s’appliquent ici impliquent l’acte d’un individu :
*Fait de prendre parti sur les problèmes politiques ou sociaux par son action et ses discours
*Pour les existentialistes, acte par lequel l'individu assume les valeurs qu'il a choisies et donne, grâce à ce libre choix, un sens à son existence
Si un JDR est engagé alors un JDR est un individu hors un JDR est un objet par conséquent un JDR ne peut pas être engagé.
voilà, voilà.
OrianExcellent! Premier message drôle ici depuis un moment
NapalmGlopJe ne suis pas certain que ce soit simplement une boutade. "Être engagé" quand le sujet est un jeu de rôle et "être engagé" quand le sujet est la personne qui a écrit le jeu de rôle ne signifient pas du tout la même chose.
Par exemple, je suis toujours admiratif des auteurs d'un seul jeu de rôle qui l'ont écrit comme on entre en religion, portés par un je-ne-sais-quoi qui les dépassent et qui exigent d'eux de livrer à notre regard ce monde intérieur qui est le leur et qui les débordent, tout à fait comme certains auteurs de roman se font imposer par leur roman de l'écrire, "il fallait que ça sorte" -- je ne sais pas si je suis clair, pardon.
Les cas ne sont pas si rares. Pierre Kakos s'est engagé pendant des années et des années dans l'écriture de Lesser Shades of Evil avec une passion presque destructrice (il y laissa d'ailleurs des plumes, si mes souvenirs sont bons). Le professeur Muhammad Abd-el-Rahman Barker a consacré une grande partie de sa vie (depuis ses 10 ans) à poser par écrit son univers, avec une passion indéfectible, dans un engagement qui, finalement, n'est pas si éloigné d'un engagement amoureux. Il a oeuvré à nous le donner, cela s'imposait à lui aussi. Engagés, ils le furent tous deux, assurément à mon sens. Ont-ils pour autant écrit des jeux de rôle engagés ? je doute fort que tout le monde répondrait oui à cette question.
Je me souviens encore de ma première lecture du livre de base de The Masquerade, par Mark Rein•Hagen (premier point médian de l'histoire du jeu de rôle, au passage ) lorsqu'il invoque Roger et moi de Michael Moore pour la construction de Gary by Night. J'avais vu le film documentaire peu de temps avant, et c'est la première fois que je lisais dans un livre de jeu de rôle qu'on pouvait parler des injustices de notre monde, s'en emparer, pour construire des histoires qui auraient aussi un sens politique, social, ou sociétal. La prise de position de sa part était forte, risquée -- puisque le jeu de rôle, c'est pour s'amuser. Cela fait-il pour autant de The Masquerade un jeu engagé ? Je n'ai pas la réponse.
A l'inverse, je ne connais rien de l'auteur de Night Witches, et d'ailleurs il ne nous parle pas de lui dans le jeu, mais s'il fallait choisir un jeu engagé, c'est lui que je choisirais.
Jay
A une lettre près, les Encagés de Tristan Lhomme apportait la réponse sur la jaquette
Je voudrais faire un petit clin d'oeil à nos amis mathématiciens en leur proposant une démonstration par l'absurde : si quelqu'un peut me démontrer ce qui empêche un JdR (je ne parle pas d'AP, ça ne m'intéresse pas et je n'y connais rien) d'être engagé (quelle que soit la définition qu'on donne à ce terme), je suis preneur.
NapalmGlop
1. Si un jdr peut être engagé, il va être difficile de te démontrer qu'il est impossible qu'il le soit, donc qu'il puisse exister quelque chose qui l'empêcherait de l'être.
2. J'invoque le premier théorème d'incomplétude de Gödel, sans rire et très sincèrement : sauf à exhiber l'existence d'un jdr démontré engagé, je doute que la question soit décidable.
J'aurais tendance à dire qu'un jeu (ou qu'une oeuvre quelconque) est engagé(e) quand cela transparaît sans que l'auteur ou quiconque n'ait besoin d'intervenir pour l'expliquer.
Si une explication est nécessaire (qu'elle soit faite par l'auteur lui-même ou historique - comme le fait que le professeur Muhammad Abd-el-Rahman Barker a passer sa vie à peaufiner son jeu depuis l'âge de 10 ans), c'est que l'auteur est engagé, mais pas son jeu.
Mais, bon, c'est bien sûr une simplification.
C'est ce que je voulais dire, oui.
Le Pr. M.A.R. Barker était engagé dans son jeu comme on peut être engagé dans une relation amoureuse (comme Tolkien l'a été dans son oeuvre, d'ailleurs les deux profils sont très proches).
Alors que Night Witches est un jeu engagé (pour moi), sans qu'on ait besoin d'expliquer pourquoi (il suffit de lire l'ouvrage ou de jouer pour le comprendre).
Auteur engagé et JdR engagé ne me semblent pas vouloir dire la même chose. Même si JdR engagé implique probablement nécessairement auteur engagé.
A une lettre près, les Encagés de Tristan Lhomme apportait la réponse sur la jaquette
DSC1978
Il faudra vraiment un jour que je me jette sur cette campagne. Merci pour l'info.
Vu qu'on met souvent des JdR dans des boites, ne serait-ce que pour la livraison, je dirai qu'un JdR peut être engagé ou non. C'est la loi de Schrödinger !