Comment rendre la Fantasy Médiévale à nouveau ? 37
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Si on se penche sur la vision moderne que la sphère rôliste à de l'Heroic Fantasy en général, il apparait que les œuvres de Fantasy qui ont le vent en poupe en ce moment, en jeu de rôle ou pas, n'ont plus grand chose de médiévales en particulier lorsqu'elles viennent des États-Unis. J'en tiens surtout pour preuve de ce constat des œuvres tel que Vox Machina ou L'honneur des voleurs, quand on voit ces deux trucs on a pas besoin d'être médiévistes pour constater que sur cet aspect là c'est 100% Bullshit. Mais D&D à t'il un jour était médiéval ? vraisemblablement non, comme l'indique l'ouvrage "le monde implicite de 0D&D" traduit par Orlov. Ne prenez cependant pas çà pour un jugement de valeur de ma part, la fidélité d'une œuvre d'HF dans sa restitution du moyen âge étant complètement indépendante de sa qualité intrinsèque. Simplement, je suis désappointé par un tel constat, car la lecture du Cycle du Vieux Royaume par Jaworski m'a montré qu'une œuvre HF qui s'inscrivait dans un contexte médiéval crédible pouvait atteindre des sommets, et je dis çà en tant que lecteur qui détestait la fantasy "Tolkienisante" avant justement d'y être réconcilié par Jaworski.
Ainsi je vous propose de discuter dans ce thread dans comment on peut s'y prendre pour rendre la Fantasy Médiévale à nouveau. Pour ma part je dit que commencer par lire du Jaworski est un bon moyen de commencer.
- Ismaren
J'ai envie de poser immédiatement la question qui fâche : qu'appelle-tu "médiéval". Car techniquement, médiéval correspond au moyen-âge, qui va de 476 (chute de Rome) à 1453 (chute de Constantinople). Et malgré la vue réduite qu'en ont beaucoup de gens, il y a eu dans cette période pas mal de progrès, et la vie à la fin de cette période n'avait plus gran-chose à voir avec ce qu'elle était au début de la période.
Il me semble que les royaumes oubliés actuels s'approchent de plus en plus de la Renaissance que du Moyen-Age classique.
Concernant les récits du Vieux Royaume de Jaworski, peut-être serait-il bon de nuancer. L'univers du Vieux Royaume reste constitué d'un patchwork d'influences comme le sont beaucoup d'univers de fiction, dont de jeux de rôle.
Gagner la guerre, l'œuvre la plus connue, se passe majoritairement dans la République de Ciudalia, inspirée de la Renaissance, un peu de l'Antiquité, et non du Moyen-Âge, même si c'est proche. D'autres récits, des nouvelles, abordent des peuples plutôt d'inspiration antique (j'ai oublié leur nom). Il faut attendre enfin la trilogie du Chevalier aux épines pour lire un récit pleinement d'inspiration médiévale et presque arthurienne plutôt que médiévale, donc des références plus littéraires qu'historiques, même si le cadre est bien médiéval. Et de mon point de vue, ces récits n'entrent pas spécialement dans le genre Heroic fantasy, point de départ de ton message. De même que je ne ferais pas de lien direct entre Jaworski et Tolkien.
Comme nous sommes dans la catégorie Jeux de rôle du forum et que ton principal exemple est littéraire, je me pose la question : parles-tu de la fantasy en jeu de de rôle, soit des jeux de rôle ayant pour cadre un univers de fantasy, ou de la fantasy en général ? Quant aux jeux de rôle, précisons qu'il n'y a pas que D&D, tu peux aussi jouer à Pendragon si le cœur t'en dit.
Du reste, peut-être définir ce qu'est la fantasy dans le cas qui nous intéresse ici, car c'est extrêmement large, ce peut être tout univers merveilleux ou fantastique qu'importe son cadre référentiel. Par exemple, Harry Potter ou Shadowrun se rangeraient aussi dans la fantasy, mais je ne crois pas que cela entre dans ce dont tu veux discuter. Heroic fantasy d'accord, mais 1) qu'est-ce que c'est ? 2) est-ce qu'heroic n'exclut pas de fait une approche historique ? Et fantasy ?
Sujet intéressant qui remet en lumière le fait que D&D a amené sa propre version très spécifique de la fantasy !
La vrai question serait pour moi : qu'est ce qui définit la fantasy originelle ?
La fantasy est un genre dont l'histoire se passe dans un monde imaginaire (pouvant ressembler au nôtre) et dont le surnaturel (magie, êtres fantastiques, etc) est une chose acceptée.
Par défaut, le cadre fantasy est pseudo-médiéval, sorte de mélange allant de l'antiquité à la rennaissance avec de la magie et/ou des être fantastiques. On pourait aussi parler de mélange entre du Tolkien et du Howard.
Entre le cycle arthurien, le Seigneur des Anneaux, la Roue du Temps, le Trône de Fer, Conan et le Sorceleur on a déjà de grandes différences.
Mais la fantasy ne s'arrête pas à ce cadre, cf Harry Potter et Buffy.
Même à la période considérée comme "médiévale" en occident (déjà passablement étendue dans le temps, comme le souligne Sined) il existait dans la même temporalité de nombreuses civilisations ayant des caractéristiques très différentes de notre moyen-âge à nous (on peut citer aisément les civilisations amérindiennes, africaines et asiatiques.) Probablement que les échanges entre "notre" monde et les autres étaient bien plus intenses et soutenus qu'on ne l'imagine. Il n'y a donc rien d'invraisemblable à faire cohabiter des civilisations très variées et aux avancées technologiques hétérogènes (pour rappel, jusqu'au milieu du XXème siècle au moins, il existait encore beaucoup de peuples vivant à ce qu'on considérait en Europe comme l'âge de la pierre.) Donc déjà, la notion de Moyen-âge prête largement à interprétation, et tant mieux si autrices et auteurs s'en emparent pour y faire galoper leur imaginaire.
Maintenant, je dois bien avouer que je suis de ceux dont les poils se hérissent quand j'ai l'impression que les personnages centraux se trimballent en jeans (ce n'est pas dit nommément, mais parfois ce n'est pas à exclure par leur façon de s'exprimer) et qu'ils examinent la rue à travers la fenêtre presque parée de double vitrage dans la chambre de leur auberge. Mais si effectivement, cela m'arrive dans des romans fantasy américains, ce n'est pas du tout un vécu que je ressens à une table de jeu de rôle. Il y a généralement un large concensus pour que les aventures dans un monde fantasy se déroule dans un univers proche du moyen-âge et les joueuses s'efforcent d'en tenir compte dans leurs actions et leur façon de s'exprimer. Et si la tablée considère qu'il faut jouer dans une période médiévale réaliste, rien n'empêche d'en convenir autour de la table (et de sortir Wastburg, par exemple !)
Ceal dit, je suis quand même aussi un grand fan de Jaworski et je me réserve avec impatience la trilogie du Chevalier aux épines pour la déguster au moment opportun.
Quel éléments médiévals veux tu ajouter dans un univers fantasy type D&D qui n'y est pas.
Moi, j'y vois déjà pas mal d'éléments :
- Le niveau technologique plutot fin moyen age, parfois début renaissance, notamment l'absence ou l'emmergence archaique des armes à feu.
- L'organisation politique présente un régime féodal, avec des rois ou seigneurs régnant sur des terre, plutot typique du moyen age (on note l'absence de régime démocratique et un héritage des titres)
- La présence importante de la religion (alors là, gros point de divergence, car dans les jeux on a du polythéisme alors que dans la réalité c'est la période où le monothéisme s'impose).
Bref, donc le seul vrai levier pour rendre un univers de fantasy tel que les royaumes oubliés plus médiéval serait de supprimer les panthéons de dieux et de même un dieu unique.
Pour rendre une ambiance médiévale, on évoque en premier le niveau technologique, ça semble évident.
Ce qui l'est moins apparemment, c'est la psychologie des personnages.
Et si on se cantonne à l'Europe occidentale médiévale, période féodale/classique, on peut peut-être mentionner une perception du monde par le prisme de la tradition et des écrits religieux, avec une prépondérance de la symbolique. En lisant un bestiaire médiéval par exemple, on se rend de suite compte de l'écart entre l'animal tel qu'on le perçoit aujourd'hui et tel qu'il l'était à l'époque.
Ça peut être parfois difficile à rendre, mais ça amène immédiatement une touche fantaisie même avec des éléments "réalistes".
On peut également parler de la prépondérance du groupe sur le concept d'individu. On n'existe que par rapport au groupe (village/corporation/titre/...) auquel on appartient. Les intérêts, les lois, les choix, ... se discutent en priorisant le groupe. Là encore ça tranche parfois avec nos réflexes individualistes.
On peut continuer en se penchant sur ce que pourrait être un scénario d'enquête à cette époque. Prédominance de l'accusatio sur l'inquisitio jusqu'au XIIIème S. alors qu'on fonctionne aujourd'hui totalement à l'inverse.
Mais aussi usage de l'analogie dans les schémas de réflexion plutôt que de la logique, là encore jusqu'au XIIIème S. où elle commence à être reconnue.
Et enfin pour ne pas être trop long, absence ou peu s'en faut, du capitalisme et mépris du profit. Imaginez la tête des PJs qui ne pensent qu'à leur bourse 😉
- Helios
Complètement d'accord avec toi sur tout sauf pour le mépris du profit. Le commerce et ses profits est un grand ressort de motivation déjà au Moyen Age. Il n' y a qu 'à penser à la ligue hanséatique, des cités italiennes ...c'est le commerce et l'avidité pour les profits ( et la conversion au chritianisme ) que les grandes explorations sont lancées, Christophe colomb voulait ouvrir une nouvelle route économique pour les épicé des Indes.
- Bremnos
Je ne dis pas qu'ils n'existent pas, je dis qu'ils ne sont pas considérés par la société. Et il ne faut pas confondre "commerce" et "profit" même si de nos jours l'un est le moyen d'accès à l'autre. Non, commercer est normal et nécessaire pour l'ensemble de la société. Mais faire de l'argent au-delà de ce qu'il est nécessaire pour maintenir son niveau de vie, s'enrichir est mal vu.
C'est une différence entre l'argent du noble et celui du commerçant : le premier en a et c'est dans l'ordre des choses tel que voulu par Dieu ; son rôle est notamment de dépenser cet argent qu'il obtient des ses charges, de ses terres, pour faire travailler les artisans, il arrose la société.
Le commerçant s'il s'enrichit, modifie l'ordre des choses et cela est inadmissible à l'époque médiévale.
D'ailleurs il arrivait fréquemment que des commerçants ayant fait fortune, procédaient à des dons considérables à l'Eglise lorsqu'ils vieillissaient pour se racheter une conduite conforme à la religion.
Avoir de l'argent par son statut et le dépenser, oui. L'accumuler et "dépasser" son statut initial, non.
Après bien-sûr, tout est vite compliqué et des roturiers par cet argent accumulé vont s'acheter des offices, des terres, et bénéficier des privilèges rattachés de sorte à pouvoir ensuite gagner la considération. Il n'empêche que ce changement de statut est déprécié en tant que tel. On n'aime pas les "nouveaux" riches.
Le profit c'est comme l'usure : ça existe, on y a recours, mais c'est très mal vu.
Et pour les grandes explorations, je ne crois pas que ce soit simplement la recherche du profit qui les ait motivées : dans le cas de Colomb l'Italien, il y avait la grandeur de la couronne d'Espagne sur les autres "nations" comme prétexte, mais également des rivalités individuelles quant aux théories sur les distances séparant les terres. Mais lorsque la viabilité de votre expédition repose notamment sur l'investissement de fonds considérables, votre armateur va également essayer financièrement de s'y retrouver.
En tout cas, il me semble avoir compris ça de mes lectures.
Rhoholalalala, ce sujet met mon cerveau en ébullition !
Voici mes quelques réflexions
Fantasy : ce n'est pas vrai, pas réel. Donc le jeu ne se déroule pas dans un médiéval tel que les livres d'histoire nous le compte. Donc je peux faire ce que je veux (en tant que MJ)
Mais le fond est "médiéval", et si nous sommes aller si longtemps à l'école suivre des cours d'histoire c'est pas pour les ignorer. En lisant les commentaires ci-dessus, on s'en rend bien compte.
Je pense que notre besoin de "médiéval" (qui pour moi s'approche plus des contes Arthurien, le preux chevalier en armure...) relève d'un "physiquement possible avec des techniques qui ressemblent à celles de l'époque" (on peut trouver une cathédrale mais pas un building) dans un contexte qui ressemble au médiéval (seigneur, guildes...) avec un gros gros écart sur la religion. Et surtout un côté "réaliste" dans les combats, la vie quotidienne.
Mais ensuite, il faut placer le curseur entre réalité et fantastique. Et cela reste un choix. Par exemple : Percy se balade en jean, n'a pas son permis et galére pour traverser les États Unis pour rejoindre le mont Olympe à ... Los Angeles...!
Comment est une citée elfe ? Naine ? Comment est construite la guilde des magiciens ? Le MJ a le choix le fond n'est pas réel. Par contre le voyage à cheval sur 200 km, c'est pas en 2h. L'armure c'est bien, mais pas quand il fait chaud (cf les croisades)
Il faut ensuite mettre un arrêt au "réalisme". Comment mangent la tribu des géants ? Pourquoi cultiver des champs alors qu'il y a une corne d'abondance ?...
La fantasy de D&D, et avec elle une grande part de la fantasy made in US, n'est pas réellement une fantasy médiévale. C'est une fantasy western, nourrie à la mythologie américaine de la Conquête de l'Ouest : frontière sauvage avec ses peuples supposéments "primitifs", cellules de pouvoir locales (shérifs) quasiment autonomes de tout pouvoir central et peu puissantes (donc incapables de maintenir l'ordre), organisations indépendantes qui aident à la "conquête" de la frontière (Pinkerton = Harpers), entité/empire/ennemi ancien et puissant (UK). Le niveau technologique proposé, outre qu'il est globalement incohérent, peut faire croire à du médiéval, mais on voit quand même que tôt ou tard, les Américains mettent toujours des armes à feu, autre pilier de leur mythologie.
Bref, de mon point de vue, le problème, avant de vouloir médiévaliser à nouveau la fantasy (et revenir peut-être à ce qu'on décrit comme le merveilleux), c'est déjà de la désamericaniser.
- FargothUr
Oui enfin les royaumes oubliés d'origine n'ont pas grand chose a voir avec les RO des éditions récentes. C'est le rajout gonzo des éditions recentes , rentré de force dans les settings qui en font n'importe quoi
Les tieflings, les goliath, les aasimars, artificier et autres Pistolero, ensorceleur avec patron toussa....
Et effectivement des trucs comme Vox machina aide pas
Déjà en faisant un travail a ce niveau et en interdisant certaines options de jeu en fonction de l'univers choisit, ça serait plus ressemblant a quelque-chose.
A propos des armes à feu, je vais aller un peu à contre-courant de certains ici : comme l'a dit Rhiedus, les RO, et plus globalement le médieval-fantastique "classique" (Tolkien) sont plus proche, technologiquement et socialement, du début de la renaissance que du moyen-âge européen. Hors la poudre noire est connue au moyen-âge (elle arrive en Europe au 12ème ou 13ème siècle), l'artillerie (canons en bronze tirant des boulets en pierre).
A la fin de la guerre de 100 ans, les frères Bureau créent l'artillerie royale, et gagnent la bataille de Chatillon avec des boulets en fer. On est alors en 1453, toute fin du moyen-âge. Moins de 100 and plus tard, les armes à feu individuelles sont sur la plupart des champs de bataille.
Donc en fait, ce qui est à l'origine incohérent dans le med-fan pour moi, vu le niveau technologique dudit med-fan, c'est qu'il n'y ait pas de poudre noire...
En synthèse et de façon un peu lapidaire, a partir du moment où l'on joue dans un monde imaginaire, nos références médiévales c'est une grande pioche de faits technologiques, techniques, sociaux, culturels et historiques sur 1300 ans dans laquelle chacun prend ce qu'il veut pour créer le contexte qui lui convient et se rapprocher (ou pas) de l'authenticité sans être à côté de la plaque, puisque nous ne sommes pas sur notre terre. Personne n'a faux ou vrai parce qu'il sert des pommes de terre et du maiis dans une auberge ou parce qu'il place des inquisiteurs pistoleros.
Pour jouer authentique il faut prendre notre univers, au moins en ref et une periode resseree dans cette longue époque, cumuler les info facilement accessibles et s'y tenir. Des jeux, et pas qu'un, le proposent d'ailleurs.
Je pense qu'il est aussi important de savoir de quel médiéval en parle. L'histoire est la science où il y a le plus grand écart entre l'état de l'art et la compréhension qu'en a le public. Il y a pas mal de notion sur lesquels le public à 50 voir 100 ans de retards sur la recherche en histoire.
Un jdr doit se positionné sur le curseur entre front de la recherche ( qui évolue assez vite. L'histoire comme science est pas figé et a vécu de très importantes révolutions méthodologiques) et la vision commune sur l'histoire.
Un aspect particulier du Med-fan, c'est aussi que la technologie n'évolue quasiment pas. Tu prends la Terre du milieu, des personnages avec 2000 ans d'écart entre eux vivent toujours de la même façon...
Tu as dit absolument toute ma pensée. Le Fantastique moderne est juste une retranscription à l'américaine d'un monde moderne bloqué à un niveau technologique primitif ressemblent effecitvement au moyen-age. C'est ça et uniquement ça. Il n'y a absolument rien de médiéval la dedans et les royaumes oubliés modernes le démontre très bien. D'où mon mépris pour les geeks écerveler et leur "c'est de la fantasy, on s'en fout" ... Pour moi, c'est une réponse de PNJ sans âme et certains semblent le plébiscité ici.
- Le Decharne